Partira ?
Partira pas ?
En poste depuis seize ans, Jean-Claude Masangu Mulongo, l'actuel gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC, à Kinshasa), devrait céder son fauteuil en mai... mais son remplaçant n'est toujours pas connu. Au palais de la Nation, d'où doit venir la nomination de son successeur, rien ne filtre. Mais dans les milieux financiers, les pronostics vont bon train.
Parmi les noms qui reviennent avec insistance, celui de
Michel Losembe, l'actuel patron de la Banque internationale pour l'Afrique au Congo (Biac). Pour ses pairs, cet ancien directeur général de la filiale locale de Citigroup - tout comme le gouverneur sortant - présente le profil idéal. À 49 ans, il connaît bien le secteur bancaire, qu'il pratique depuis plus de dix ans - il est président de l'Association congolaise des banques. Mais lui-même ne cesse de marteler qu'il n'est candidat à rien et qu'il se sent plus utile dans le privé. « À la Biac, une banque de détail, je peux davantage oeuvrer au développement économique de mon pays », confie-t-il à Jeune Afrique.
Discrétion
À Kinshasa, on ne manque pas de rappeler que ce poste hautement stratégique reviendra sans aucun doute à un proche du président de la République. À l'instar d'
Albert Yuma Mulimbi dont le nom circule depuis peu. Patron de la Gécamines et président de la puissante Fédération des entreprises du Congo (FEC), ce Katangais préside aussi le comité d'audit de la BCC. Fin mars, c'est lui que Joseph Kabila a envoyé à Washington, avec Jean-Claude Masangu, pour déminer les relations du pays avec le Fonds monétaire international (FMI). Certes, il s'agissait d'apporter des réponses aux questions que l'institution se pose sur la transparence d'un contrat minier (le projet Comide) par lequel la Gécamines a cédé, en juin 2011, ses parts (25 %) à la société Straker International, basée dans les îles Vierges britanniques, mais certains analystes y ont vu un signe. Réponse du patron des patrons : « Ce poste ne m'intéresse pas. C'est à la FEC que je veux oeuvrer. »
En fait, explique un banquier local, « il est toujours prudent de rester discret lorsqu'on est intéressé ou sollicité pour un tel poste. Sinon, on risque d'être mal vu en haut lieu et de ruiner ses chances ». Discrétion : tel est précisément le maître mot de
Noël K. Tshiani, un autre prétendant basé aux États-Unis et fonctionnaire de la Banque mondiale depuis 1992. Bien qu'il ait fait part de sa candidature au Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, lors de la dernière mission de celui-ci à Washington, en février, l'homme se refuse à tout commentaire. Reste que le titre de son dernier ouvrage, La Bataille pour une monnaie nationale crédible, sorti fin 2012, trahit ses ambitions : il y analyse et y critique la politique monétaire mise en oeuvre dans son pays et propose des solutions.
Le taux de bancarisation est l'un des plus faibles au sud du Sahara.
Il faut dire que le bilan de Jean-Claude Masangu Mulongo n'est guère brillant. Le taux de bancarisation (5 %) en RD Congo est l'un des plus faibles d'Afrique subsaharienne (18 %). Et la monnaie congolaise, qui fête ses 15 ans, se porte mal. Certes, le taux de change du franc congolais par rapport au dollar est resté à peu près stable depuis trois ans, mais sa dépréciation par rapport à sa valeur au moment de son lancement reste très importante. En 1998, il fallait 1,32 franc pour avoir 1 dollar... contre environ 900 francs aujourd'hui. Les raisons de cette chute vertigineuse ? Il y a surtout l'important recours à la planche à billets pour combler les déficits budgétaires. Une politique qui, selon les économistes, a conduit au fil des ans à une hyperinflation. Même si le taux d'inflation varie entre 10 % et 15 % depuis 2011, « sur les quinze dernières années, il a été de 104 % par an en moyenne... Cette situation a fait perdre à la monnaie sa crédibilité », relève Noël K. Tshiani dans son livre.
Billet vert
Résultat : les Congolais boudent leur propre monnaie et le dollar est devenu la principale monnaie d'épargne et des grandes transactions. Les chiffres de la BCC sont éloquents : fin 2012, le billet vert représentait 89 % des dépôts bancaires et 95 % des crédits. « Dans ces conditions, la Banque centrale ne peut mener une politique monétaire efficace, car tous les instruments [taux directeurs, taux de réserves obligatoires, etc.] dont elle dispose ont très peu d'effet sur l'économie », explique un banquier.Depuis quelques mois, la BCC et le gouvernement s'efforcent, à travers un certain nombre de mesures, de redonner à la monnaie nationale sa place et son rôle dans l'activité économique. Elles ont par exemple mis en circulation, en juillet 2012, des coupures de 1 000, 5 000 et 10 000 francs congolais, puis de 20 000 en novembre, alors que jusqu'ici le pays ne disposait que de billets de 50, 100, 200 et 500 francs. Leur objectif, a expliqué Jean-Claude Masangu : « Lutter contre la dollarisation en encourageant l'usage du franc comme un instrument de paiement stable, fiable et sûr. » Mais il faudra encore attendre plusieurs années. Une lourde tâche à laquelle devra s'atteler sans faillir le successeur de Masangu.
Photo :
En 2012, des grosses coupures ont été mises en circulation pour contrer la dollarisation de l'économie. © Junior D. Kannah/AFP
http://congo-banque.blogspot.com/2013/11/rd-congo-quel-gouverneur-pour-guerir-la.html